2/2 : voici l’analyse que les élus CFE-CGC ont présentée en CSE Central du 19 juillet concernant notamment la stratégie ArianeGroup et la situation économique
cet article est exceptionnellement long car le sujet se prête difficilement à des coupes. Afin d’en faciliter la lecture voici le sommaire des paragraphes :
- Une stratégie de plus en plus repliée sur elle-même
- Une addiction aux politiques publiques et à leurs financements
- Un faible investissement dans la R&T, prémices d’un décrochage technologique
- Le « gloubi-boulga » européen
- Le réutilisable et les mini-lanceurs
- GPEC et Formations : on réduit ! partout !
- L’erreur de ne pas avoir investi dans un statut social commun
- Un actionnariat au 50/50 bancal conduisant à des prises de risques limitées
- Un resserrement sur les grands programmes Étatiques ou Institutionnels censés apporter les volumes de chiffre d’affaires et la rentabilité nécessaires à alimenter la structure. En effet, les marchés commerciaux sont devenus difficilement accessibles compte tenu du dumping américain échappant aux règles de l’OCDE car déployé sur le marché institutionnel américain
- Peu ou plus de volonté de diversification sur les Produits, Equipements et Services, marchés commerciaux concurrentiels où nous ne savons plus être compétitifs.
- Et encore … ces KSI n’existent que parce que des financements externes sont, comme le dit la Direction, « à récupérer »
- Et encore … n’attendons pas que le projet hydrogène génère un gisement d’emplois significatifs
- Et encore …
CETTE ADDICTION A UNE CONSÉQUENCE
L’avenir d’ArianeGroup, notre avenir, dépend de moins en moins de nos dirigeants et de plus en plus des Ministères et de Bruxelles en passant par … l’Allemagne et l’Italie, et aussi … Elon MUSK, Jeff BEZOS ou Joe BIDEN ! La CFE-CGC constate que la stratégie d’ArianeGroup repose peu sur des initiatives, des prises de risques, ou encore de l’innovation pour susciter/tirer le besoin. La société s’est fixée comme « ambition » de répondre aux seules opportunités nationales et européennes ou de capter des activités périphériques attractives à court terme (attractives = comprendre « en terme de Chiffre d’Affaires »). Vu de l’extérieur c’est très « OldSpace » et nos partenaires nous le font comprendre au prix fort. UN FAIBLE INVESTISSEMENT DANS LA R&T, PRÉMICES D'UN DÉCROCHAGE TECHNOLOGIQUE Le peu de moyens internes affectés à la R&T est l’un des corollaires de cette addiction aux institutionnels, juteuse à une époque et aujourd’hui mortifère :- ArianeGroup finance seulement 15% de la R&T réalisée par la société
- 85% de la R&T est financée par les clients
- L’Europe ultralibérale qui ne défend pas son industrie
- L’Allemagne qui semble vouloir « remettre en cause » le modèle Européen d’accès à l’Espace et, suite à son coup de poker gagnant lors de la conférence ministérielle de Séville de fin 2019, veut son juste retour géographique ; Vernon (moteur Vinci) est en première position sur la liste des victimes potentielles
- Le réutilisable est à l’étude parce que le politique le souhaite et qu’il en finance les études de faisabilité
- Les mini-lanceurs ont le vent en poupe (sauf chez ArianeGroup qui a fait l’erreur de stopper le projet Sparrow)
QUAND LA FARCE TOURNE AU CAUCHEMAR
Le CEO d’Airbus DS se félicite que le fonds d’investissement Airbus Venture ait contribué au lancement du petit lanceur allemand Isar Aerospace. Si ArianeGroup a été construite avec la volonté d’être une entreprise « comme une autre », cinq ans après sa création nous constatons que les choix stratégiques faits (coupes dans la R&T, revue/repli du portefeuille d’activités, …) couplé au contexte global du spatial ont rendu la société dépendante à 100% de choix faits par d’autres. GPEC ET FORMATIONS : ON RÉDUIT ! PARTOUT ! Pour pouvoir mener à bien ses engagements contractuels et se développer, ArianeGroup doit pouvoir s’appuyer sur des femmes et des hommes aux compétences reconnues et des outils de production à la pointe du progrès. Cependant la Direction pilote la société les yeux rivés sur la situation financière et un plan de charges où les hypothèses restent pessimistes. D’où Shift et son corollaire : le plan de réduction des effectifs qui sera négocié à la rentrée. L’objectif de réduction des effectifs annoncé est très élevé. Aussi, même si la Direction nous présente une GPEC qui semble bâtie sur des données, de la projection et des orientations formation précises, faites par des équipes engagées et professionnelles, la fiabilité de la charge affichée et la visibilité sur les postes en doublon sont très insuffisantes. Comme cela a été relevé par l’expert du CSE Central, les prévisions d’ETP semblent très éloignées du terrain et d’une évaluation réelle de la charge, des activités et compétences à conserver et à développer pour la survie de notre entreprise. Elles semblent plus être le fruit d’une règle de trois réalisée par des financiers que d’une évaluation réelle (quantitative et qualitative) du plan de charge. Nous sommes une entreprise dont les compétences s’acquièrent sur un temps long ! Nous sommes donc perplexes quant à l’adéquation réelle entre la GPEC, le plan de formation et les baisses d’effectif annoncées : quelle valeur peut-on y accorder ? Le risque, par perte de compétences non maîtrisée, de ne plus pouvoir livrer nos clients OQOTOC, comme le veut l’expression interne consacrée, nous semble élevé ! Ceci est en revanche crédible. Telle que l’affiche la Direction, la recherche de compétitivité se résume donc à une réduction des effectifs ! Pour la CFE-CGC il est nécessaire d’adapter la capacité à la charge réelle, mais où est passée l’ambition de conquérir de nouveaux marchés ? In fine, nous en venons à nous poser la question des différentes annonces faites concernant la baisse des effectifs :- Ne serait-ce pas une stratégie « d’effet d’annonce » pour demander à nouveau des subventions aux politiques et aux agences ?
- Est-ce le seul discours que la société veut ou peut tenir vis-à-vis des instances ou agences ?
L’ « EXEMPLE » DES VOYAGES ET DE PLM-T
Comment accepter de dépenser plus de 50M€ chaque année en déplacements professionnels et, en même temps, refuser de mettre quelques M€ dans la construction d’un statut social commun ? Ce que l’entreprise aurait pu investir pour traiter le statut social nous semble minime au regard notamment des sommes qu’elle a dépensées sur PLM-T (et ce n’est pas terminé !). La situation économique de l’entreprise n’est pas florissante mais il est encore temps pour que la Direction consacre une part de sa trésorerie à un statut social commun. D’autant que l’érosion des effectifs et les politiques salariales toutes calées sur le minimum de l’acceptabilité sociale font que la masse salariale totale est en nette diminution depuis 2018. UN ACTIONNARIAT AU 50/50 BANCAL CONDUISANT À DES PRISES DE RISQUES LIMITÉES Nous ne pouvons terminer sans revenir sur l’incapacité qu’a ArianeGroup à sortir des sentiers battus et à prendre des décisions sans que la finance n’en soit le principal critère. A ce titre, la CFE-CGC affirme depuis 2015 que notre actionnariat à 50/50 est bancal :- Bancal car nos actionnaires n’ont pas de vision commune forte pour ArianeGroup (arrêtons de faire comme si ce n’était pas le cas)
- Bancal car cette parité empêche l’un comme l’autre de pousser des décisions fortes
- Bancal car ce 50/50 est la voie directe vers des décisions assises sur des consensus mous. Sauf que le consensus mou n’a jamais été à l’origine de décisions innovantes, en rupture