L’Europe vient de décider d’une augmentation sans précédent du budget alloué à sa politique spatiale des cinq prochaines années (14,4 milliards d’€ contre 10,4 précédemment) mais la position française régresse.
Une priorité accrue a été accordée aux enjeux sécuritaires, de protection de l’environnement et scientifiques.
Qu’en est-il plus précisément pour nos activités ?
Les lanceurs
Sur le court terme la situation semble clarifiée de façon satisfaisante : mise en place du financement nécessaire pour couvrir le biseau Ariane 5 / Ariane 6 dans un contexte de baisse du marché et de transition entre ces deux lanceurs.
Sur le moyen terme l’Europe a confirmé la poursuite du développement des briques technologiquesproposées par ArianeGroup : Prometheus (moteur à propulsion liquide bas coût), Icarus (étage supérieur en composite carbone ultraléger) et Themis (prototype de lanceur réutilisable). Mais rien sur la propulsion à propergol solide.
Notons aussi la modernisation du port spatial de Kourou (CSG) qui fête ses 50 ans. Elle était réclamée par la France.
SI CE SONT GLOBALEMENT DE BONNES NOUVELLES POUR L’EUROPE SPATIALE,
IL Y A UN REVERS
Le drapeau Allemand flotte sur la politique spatiale européenne
Avec une participation à hauteur de 23% du budget spatial européen, l’Allemagne devient le leader de la politique spatiale européenne, devant la France (18,5%) et l’Italie (16%). Reste à connaitre la répartition de ce financement par segments (satellites, lanceurs, …).
Certes ce n’est pas un problème pour le devenir de l’Europe spatiale dans un contexte de concurrence commerciale accrue et d’augmentation des budgets des puissances spatiales dans le monde.
Mais c’est un problème pour l’industrie française puisque la règle du juste retour géographique s’applique toujours. La CFE-CGC a expliqué à plusieurs reprises que les industriels, souvent avec le soutien des Etats, cherchent constamment à tirer la couverture à eux parfois en dépit du bon sens et au détriment de l’intérêt collectif.
Les fourches caudines du retour géographique
La presse l’a compris immédiatement et La Tribune écrit « Si pour l’Europe spatiale cette manne financière est une bénédiction, les industriels français vont quant à eux devoir apprendre à passer après leurs partenaires allemands en raison du fameux juste retour géographique qui, certes, doit évoluer mais qui est encore en vigueur au sein de l’ESA. »
Nous allons vraisemblablement assister à un transfert d’activités au profit de nos voisins allemands et italiens. Nos collègues d’ArianeGroup vont devoir négocier de nouvelles répartitions d’activités et parfois mettre en place des soutiens en compétences pour satisfaire le poids accru de nos ‘partenaires/concurrents’ européens.
Des sujets d’inquiétudes, comme par exemple :
- Zone d’Essais et activités de Combustion de Vernon, plusieurs transferts vers l’Allemagne ayant déjà été effectués ces dernières années
- L’Italie étant très fortement investie sur la propulsion solide, les conséquences pourraient être encore plus fortes sur ce segment
La propulsion à propergol solide, parent pauvre
Selon nos informations, rien n’a été budgété pour la diminution des coûts du P120 (programme P120 CIP). Les italiens ont obtenu du Conseil de l’ESA d’orienter les budgets vers Vega E, concurrent et poison d’Ariane 62.
Ce camouflet aura un impact direct et négatif sur les activités des sites bordelais. La propulsion solide apparaît bien comme le parent pauvre de la politique lanceurs de l’Europe.
ArianeGroup contrainte de jouer à l’équilibriste à ses dépens ?
La CFE-CGC se réjouit du poids accru que l’Europe accorde à l’Espace. Cependant et pour ce que nous en savons :
- les conclusions de cette conférence ne sont pas favorables à la filière française des lanceurs car le retour géographique devrait être moins important pour la France
- les décisions prises sont défavorables aux activités de propulsion solide
⇒ Nous souhaitons que la Direction convie les organisations syndicales à une réunion pour faire le bilan de cette ministérielle. La CFE-CGC demandera :
- les conséquences précises sur les activités de chaque établissement ainsi que l’impact sur les -2300 (ce chiffre avait été annoncé il y a un an « dans l’attente de la Ministérielle de fin 2019 »)
- les actions que compte mettre en place la Direction pour préserver les compétences du segment Propulsion Solide qui est le grand perdant de cette conférence
Heureusement le Stratégique (M51 notamment) est là pour atténuer les conséquences pour les établissements concernés.
Raison de plus pour maintenir les Produits, Equipements et Services (PES). Ce troisième pilier est un amortisseur indispensable au maintien des compétences et à notre capacité de rebond dans une société visée par la décroissance sur le spatial. Même si la rentabilité de ce segment peut être moindre.